Depuis plus d’un an, l’avancée des gangs dans la capitale a bouleversé le fonctionnement de l’administration publique. Ministères, directions générales et organismes stratégiques ont été contraints d’abandonner en urgence leurs locaux du centre-ville. Relocalisés à Delmas, Pétion-Ville ou dans des bâtiments loués, souvent mal adaptés, ils peinent à informer efficacement les citoyens de leur nouvelle adresse. Résultat : accéder à un service public est devenu pour beaucoup un véritable parcours du combattant.
Le ministère du Commerce et de l’Industrie, installé dans un bâtiment flambant neuf au Champ de Mars financé par les fonds PetroCaribe, a dû fermer ses portes. Le ministère du Tourisme et des Industries créatives, logé également rue Légitime, a connu le même sort. Le ministère de l’Éducation nationale (MENFP) n’a pas été épargné : une dizaine de ses sites ont dû être dispersés aux quatre coins de la zone métropolitaine, compliquant encore l’accès de la population à des services de base.
Dans certains cas, les édifices institutionnels ont changé de fonction. Les anciens bureaux du ministère de la Culture et de la Communication abritent désormais près d’un millier de familles déplacées par les violences à Carrefour-Feuilles et dans le bas de la ville. En novembre 2024, l’Office de la protection du citoyen, à Bourdon, s’est transformé en centre d’accueil improvisé pour des sinistrés venus de Solino et de Nazon. Des infrastructures publiques, pensées pour renforcer la gouvernance nationale, se sont ainsi converties en refuges précaires, faute d’alternatives.
La crise n’a pas épargné les organes de contrôle. La Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif a dû quitter l’imposant bâtiment qu’elle occupait depuis cinq ans seulement, construit grâce à l’annulation de la dette par le FMI. La Commission nationale des marchés publics s’est réfugiée dans les locaux de l’UCLBP à Pétion-Ville. Même le Conseil national des télécommunications, installé depuis des décennies à l’avenue Christophe, a dû déménager pour continuer ses services ailleurs.
La Banque de la République d’Haïti, bien que frappée à plusieurs reprises, maintient encore certaines opérations au centre-ville sous haute escorte, mais une partie de son personnel a déjà été déplacée vers des sites plus sûrs. Plus au nord, le ministère de l’Agriculture et la Faculté d’Agronomie et de Médecine vétérinaire ont subi des attaques, contraignant leurs services à fonctionner au ralenti et aggravant la paralysie institutionnelle.
Face à cette dispersion forcée, une question s’impose : s’agit-il d’une décentralisation de fait ou d’un éclatement désordonné de l’appareil d’État ? Aucune stratégie claire n’a encore été présentée par les autorités. En attendant, les citoyens doivent se débrouiller avec des informations fragmentaires pour localiser des services essentiels. Dans ce climat d’incertitude et de peur, retrouver les services publics en Haïti relève aujourd’hui plus du casse-tête quotidien que d’un simple acte administratif.
0 Commentaire