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Société

Truitier, une décharge publique transformée en caisse noire des criminels armés

Dans la capitale haïtienne, l’insécurité ne se limite plus aux enlèvements ou aux rançons : elle s’invite désormais jusque dans la gestion des ordures. Le site de Truitier, principale décharge publique de la région métropolitaine, est aujourd’hui sous le contrôle direct des gangs qui imposent aux mairies et aux entreprises privées des taxes illégales pour y accéder, selon un article paru ce dimanche 31 août 2025 dans les colonnes du journal Ayibopost.

« Nous ne pouvons plus nous rendre à Truitier comme avant », déplore Guerslyn Charles, maire adjoint de Port-au-Prince. Selon lui, les camions municipaux hésitent à s’aventurer vers la décharge, car ils risquent d’être interceptés, voire confisqués, par des hommes armés.

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Depuis 2024, la coalition criminelle Viv Ansanm a installé ses propres postes de péage sur les principaux axes reliant Port-au-Prince aux communes avoisinantes. Des barrages illégaux existent même à l’intérieur de la ville, compliquant davantage la circulation des camions de collecte.

L’ancien maire de Carrefour, Jude Édouard Pierre, témoigne : dès 2018, il avait cessé d’envoyer les véhicules de sa mairie à Truitier après plusieurs interceptions par des bandits. « Aujourd’hui, des maires doivent verser de fortes sommes pour que leurs camions puissent déverser les détritus », confie-t-il.

La situation n’épargne pas non plus les entreprises privées. Un cadre du Service national de gestion des résidus solides (SNGRS) raconte que certains camions de l’institution ont été confisqués, laissant même une carcasse abandonnée sur la route de Truitier.

Face à cette paralysie, les municipalités improvisent. Pétion-Ville tente d’utiliser d’autres sites, comme Titanyen, malgré le danger lié aux affrontements armés sur la route de Canaan. Port-au-Prince, pour sa part, a dû créer des décharges provisoires dans plusieurs quartiers afin de stocker temporairement les déchets. Mais les moyens restent dérisoires. À titre d’exemple, la mairie de la capitale ne dispose que d’un seul compacteur et d’un camion-benne, alors que les camps de déplacés génèrent une quantité d’ordures jamais enregistrée auparavant.

Cette crise illustre un paradoxe : alors qu’Haïti produit près de 6 400 tonnes de déchets par jour (Banque mondiale, 2018), seule une faible proportion est collectée et traitée. Pourtant, les ordures pourraient constituer une ressource économique. En 2018, le pays a exporté plus de 3,3 millions de dollars de déchets recyclables, selon la BRH. Aujourd’hui, au lieu de profiter à l’économie nationale, les déchets alimentent une nouvelle économie criminelle où les gangs taxent, contrôlent et décident qui peut ou non jeter ses ordures.

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Jean Rony Poito PETIT FRERE

Journaliste

Journaliste-rédacteur & professeur de sciences sociales. Passionné de la rédaction.

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