Si l’Université Harvard devait suivre les exigences de Donald Trump, elle se transformerait en une petite dictature. Avec raison, Harvard a choisi de résister à ses invraisemblables demandes. Malheureusement, bien peu d’universités ont jusqu’à présent eu le courage et la lucidité d’imiter Harvard. La liste d’exigences du gouvernement américain envoyée à Harvard comporte des échéanciers qui sont si serrés qu’il est possible de conclure que Trump recherche la confrontation avec le monde universitaire. Une telle confrontation conforte auprès d’une partie de son électorat son image anti-intellectuelle et anti-élitiste. Mais surtout, la lutte qu’il amorce contre Harvard et d’autres universités vise à faire taire les critiques contre lui et son gouvernement.
1) Quels sont les arguments de Trump pour réformer les universités? Officiellement, Trump en a surtout contre deux problèmes. Le premier est l’implantation de politiques dites de diversité, d’égalité et d’inclusion (DEI) qui favoriseraient l’admission d’étudiants faibles au détriment d’étudiants forts. Le second est la vague de manifestations propalestiniennes sur les campus, manifestations qui ont parfois tourné en campagnes contre les étudiants juifs. Trump cherche aussi à imposer sur les campus des croyances non scientifiques, comme le créationnisme. Enfin, il veut que davantage de professeurs qui partagent ses convictions enseignent dans les universités.
2) Quelles sont les exigences de Trump envers Harvard? Les exigences de Trump sont extrêmes. Il demande explicitement de réformer ou de fermer toute organisation ou toute structure administrative qui s’opposerait à ses réformes, dont en premier lieu les groupes de soutien à la Palestine. Il veut la mise en place de mécanismes de délation contre ceux qui s’opposeraient à ses vues. Les étudiants étrangers qui seraient hostiles aux valeurs américaines sont en particulier visés par cette mesure. Trump ordonne une réduction du pouvoir des professeurs et des étudiants et une concentration des structures administratives. Dans tous les domaines, Trump exige l’embauche «d’une masse critique» de professeurs qui épousent ses opinions, au nom de la «diversité de point de vue» et de la lutte à l’antisémitisme. L’université devrait prouver que les étudiants sont admis au mérite et que les politiques de DEI sont abolies. Et bien sûr, l’administration Trump veut approuver tous les plans de cours.
3) Certaines demandes sont-elles raisonnables? Harvard a déjà mis en place plusieurs mesures, en particulier pour protéger les étudiants juifs. Son nouveau président est juif. Accuser Harvard d’antisémitisme est donc malhonnête. Quant aux mesures de DEI, elles sont certainement discutables, mais elles ne peuvent justifier la suspension de milliards de dollars de subvention et la menace de retrait du privilège d’exemption fiscale accordé à l’Université.
4) Trump a-t-il le droit d’imposer ces mesures? La plupart de ces mesures violent la constitution américaine, en particulier celles qui touchent l’embauche des professeurs, l’approbation des plans de cours et la surveillance des personnes qui travaillent ou étudient dans les universités.
5) Pourquoi en suivant les règles de Trump les universités deviendraient-elles de petites dictatures? Les universités ne fonctionnent pas sur un modèle de diversité de point de vue. Elles fonctionnent en tentant d’établir les faits et de les expliquer. Des théories s’affrontent pour analyser les faits le mieux possible. Ce ne sont pas des opinions ou des points de vue. Or, Trump rejette les faits quand bon lui semble, en particulier en santé, en environnement et en sciences sociales. Mais surtout, la surveillance, la délation et le climat de terreur qui résulteraient des mesures préconisées par Trump paralyseraient les discussions et tueraient la recherche.
Le Placentin avec le journal de Montréal.
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